"Hôpital : la guerre des postes a éclipsé le soin"

Le 20/05/2025 0

Dans SANTE

 

Hôpital : quand la lutte pour les postes gangrène les services

Toulon, 17 mai 2025 — Derrière les murs des hôpitaux français, une réalité moins visible se déploie, faite de compétitions internes, de tensions larvées et de conflits parfois ouverts. Ces "guerres de poste" concernent aussi bien les médecins que les cadres administratifs ou les paramédicaux. Elles ne relèvent pas de la fiction ni du jargon syndical : elles sont une composante réelle, persistante et souvent déstabilisante du fonctionnement hospitalier.

Une définition clinique du phénomène

Dans le langage courant des professionnels de santé, les "guerres de poste" désignent les conflits internes autour de l'attribution, la gestion ou la répartition des fonctions et responsabilités. Ces tensions concernent les postes de chefs de service, chefs de pôle, PU-PH, mais aussi des fonctions plus modestes. Les enjeux sont multiples : carrière, prestige, pouvoir, accès aux ressources, visibilité institutionnelle.

Rareté et convoitise : le terreau des conflits

Les réformes successives (loi HPST, loi de modernisation de notre système de santé, etc.) ont modifié les modalités de nomination, souvent sans en clarifier les critères. Dans un contexte de pénurie de personnels qualifiés, chaque poste vacant devient un enjeu. Les directions hospitalières, les présidents de CME et les chefs de pôle s'opposent parfois dans de véritables bras de fer, chacun défendant ses prérogatives. "On se bat pour avoir les meilleurs éléments, c'est une réalité", confie un cadre infirmier.

Une compétition sous tension

Certains professionnels dénoncent un climat de suspicion alimenté par des procédures opaques. "Parfois, on a l'impression que les dés sont jetés d'avance", explique une médecin généraliste. Le manque de transparence nourrit un sentiment d'injustice et peut engendrer du harcèlement, une perte de confiance, voire des démissions.

Les conflits interpersonnels et interprofessionnels peuvent durer des années, minant le moral des équipes. Ils trouvent leur origine dans des incompréhensions de rôles, un manque de reconnaissance, ou une hiérarchie mal acceptée.

Des effets bien réels sur les soins

Au-delà des individus, c'est tout le fonctionnement hospitalier qui est affecté :

  • Ambiance de travail dégradée et démotivation des équipes ;
     
  • Absentéisme, démissions, difficultés de recrutement ;
     
  • Risque accru d'erreurs ou de ruptures dans le parcours de soins ;
     
  • Perte d'attractivité de certaines spécialités ou de certains hôpitaux.
     

La qualité du service rendu au patient en souffre inévitablement. Moins de coordination, plus de délais, moins de sérénité : une déréliction silencieuse mais prégnante.

Les dispositifs de médiation : une solution sous-utilisée

Pour tenter d'apaiser les tensions, des dispositifs de médiation ont été créés, localement (médiateurs internes) ou régionalement (ARS). Leur efficacité dépend largement de leur appropriation par les acteurs de terrain et de leur formation au dialogue. Trop souvent, ces outils restent théoriques ou sous-utilisés.

Une refonte nécessaire de la gouvernance

Derrière ces conflits, c'est un modèle hospitalier à bout de souffle qui se dessine. Pour y remédier, plusieurs pistes émergent :

  • Plus de transparence dans les nominations (critères publics, jurys collégiaux) ;
     
  • Valorisation des carrières horizontales, hors hiérarchie ;
     
  • Formation éthique au management pour les soignants amenés à diriger ;
     
  • Culture de la coopération plutôt que de la compétition ;
     
  • Décloisonnement des services et projets transversaux.
     

Conclusion : une réalité systémique à ne plus ignorer

Les "guerres de poste" à l'hôpital ne sont ni accidentelles ni anecdotiques. Elles révèlent un système où la reconnaissance professionnelle passe trop souvent par la conquête d'une fonction hiérarchique. Pour rebâtir un hôpital apaisé, centrer les politiques sur le soin, la coopération et l'éthique apparaît plus urgent que jamais. Car à trop se battre pour les postes, on risque d'oublier pour qui l'on travaille : le patient.


 

 

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